PbtA - Pour qui ? Pour quoi ? Comment ? 55
Forums > Jeux de rôle
Je me permets d'ouvrir un fil dédié aux jeux dits Powered by the Apocalypse, c'est-à-dire motorisés par le (ou dérivés du) système d'Apocalypse World, et plus précisément sur le feeling qui lui est propre, la manière dont il aborde certaines problématiques de jeu, les problématiques qu'il créé et tous les conseils et interrogations qui pourraient en déboucher.
Personnellement je n'ai jamais été convaincu par ce système ; j'ai pourtant essayé, j'ai lu Apocalypse et Dungeon World, d'autres hacks, j'en ai discuté un peu avec brand et longuement avec mahar, mais je n'y arrive pas. J'ai toujours l'impression de passer à côté, que quelque chose m'échappe, sans parvenir à mettre le doigt dessus.
L'une des explications qui semble le plus probable, c'est que ce système couche sur papier des choses que j'ai toujours fait naturellement, au doigt mouillé, et qu'en faire des règles précises me donne l'impression d'être "enfermé" dans ce système...
- Dohnar
Merci pour l'ouverture du sujet !
Un des premiers "principes", selon moi, pour "goûter convenablement" à un jeu pbta est de jeter par la fenêtre le "si la règle ne vous plaît pas changez la". Il faut se faire violence (en tout cas pour ceux comme moi habitués aux systèmes "classiques") et appliquer le système à la lettre, sans quoi on peut facilement passer à côté de la "saveur" d'un jeu pbta.
- kyin
Déjà, il faut faire attention : il n'y a pas d'autres jeux que Apocalypse World motorisé par le Système d'Apocalypse World. Le "Système Apocalypse" n'est pas un générique tel GURPS ou FATE que l'on peut assaisonner à toutes les sauces.
Chaque jeu est véritablement indépendant, et propose sa vision d'un type de fiction, adaptant le système d'origine avec plus ou moins de réussites et d'écarts.
Une bonne lecture, surtout en parallèle de Dungeon World mais pas que, est le Guide de DW par Acritarche.
Sinon, dans les jeux PBTA au-dessus du panier (et en VF), il y a The Sprawl et Urban Shadows. Qui sont didactiques et bien expliqués.
Quelle rigueur ? Personnellement, je ne vois pas de rigueur dans les PBTA. J'ai omis, volontairement ou non, des bouts dans ma campagne d'Urban Shadows, et ça a tourné impeccablement. Quand je maîtrise Dungeon World, je ne crée pas de villages avec le système fourni.
Par contre, le système de Moves est à suivre. Les principes du MJ sont à consulter fréquemment, pour se rappeler le ton de la partie et combler un vide.
Donc, pour la rigueur, je ne saurais répondre. C'est sûr que si on la joue "à la Pathfinder" (tour par tour, action minutée, déplacement quadrillé) avec le système de résolution de Dungeon World, bah, ça va pas marcher. Mais c'est du bon sens que d'utiliser le style et le rythme "Dungeon World" quand on y joue. Pas de la rigueur.
pourquoi se faire violence ?
kyin
Dans le but, justement, de comprendre ce qu'il amène. Une fois que tu as joué by the book, que tu as réellement tenté de jouer au jeu tel qu'il est écrit, tu sait s'il est fait pour toi ou pas (et si du coup y jouer, c'est réellement se faire violence ou si c'est du plaisir)
Je suis aussi curieux des réponses sur ce sujet, mais j'avoue les premières réponses me laissent sur ma faim.
J'ai testé Dungeon World, et je n'ai pas du tout aprécié le système de moves... Même si à côté j'ai trouvé des choses intéressantes dans ce jeu.
En tant que MJ, je me sentais obligé de me rajouter des contraintes comme par exemple le fait de rebondir systématiquement vers un autre PJ que celui qui avait initié la réaction, tout en veillant à ce que ça tourne régulièrement entre les PJs.
J'ai l'impression que si j'avais suivi les règles à la lettre, on aurait très bien pu avoir un PJ A qui dézingue 12 gobelins pendant que le PJ B ne fait qu'une seule action et que le PJ C ne fait rien. Ça m'a beaucoup perturbé par rapport à des années d'habitude de jeux ou chaque PJ a "son tour".
D'un autre côté, j'ai meujeuté aussi Raôul v2 qui est plus ou moins de la famille PbtA, et là ça m'avait semblé beaucoup plus facile à gérer.
Le truc, c'est que je n'ai testé que côté MJ, j'aimerais bien voir ce que ça donne côté PJ....
- Aigriman
Houla, à mon avis, le truc pour aprrécier les jeux PbtA, c'est de péter un coup et de ne pas trop se mettre de pression. Il faut comprendre l'esprit des Principes du MJ. Qui disent tous en gros : faites en sorte que tout le monde s'amuse.
MRick, quand tu dis ça :
" J'ai l'impression que si j'avais suivi les règles à la lettre, on aurait très bien pu avoir un PJ A qui dézingue 12 gobelins pendant que le PJ B ne fait qu'une seule action et que le PJ C ne fait rien. Ça m'a beaucoup perturbé par rapport à des années d'habitude de jeux ou chaque PJ a "son tour". "
Et ben ça m'épate, parce que le but est très exactement l'inverse : certes tu peux passer à un autre PJ mais ce n'est pas passer pour passer, c'est pour créer une tension distrayante ou justement pour que tous les PJ est un truc à faire.
Bon j'aurais d'autres trucs à dire mais on me convoque à table ! ;-p
J'ai fait beaucoup d'Urban Shadows, et c'est vrai que si tout est plutôt cadré un aspect primordial reste quand même entre les mains du MJ: le rythme.
Perso le côté ou chaque PJ à son tour dispose d'une action, j'en suis un peu revenu. Ca a ses bons côtés, mais combien de fois un des joueurs a-t-il fait une bonne préparation et mise en place d'une action cool pour qu'un autre PJ lui coupe l'herbe sous le pied? Avec les jeux PbtA que j'ai lus tu peux moduler, ce qui incite le joueur qui est sous le projecteur à vraiment s'impliquer.
Il ne faut pas oublier que les autres ont le droit d'intervenir (avec les actions aider/gêner la plupart du temps).
Au-delà du MJ, il y a quand même certains types de joueurs avec qui ça ne fonctionne pas (pas de jugement de valeur, il en faut pour tous les goûts):
- Les joueurs passifs. Il faut être proactif, c'est obligatoire. Ca veut dire prendre des initiatives, patriciper à la narration et ne pas attendre que "l'aventure vienne à soi". Et rien que ça, c'est pas facile pour tout le monde.
- Les joueurs trop "ludistes" (par exemple qui estiment que quand ils échouent à un test ils ont "raté"). Les PJ sont censés échouer comme tout héros, et s'en prendre plein la gueule. De son côté le MJ ne doit pas se contenter de leur en mettre plein la gueule. Ca doit avoir du sens au niveau de l'histoire (quels éléments de récits intéressants va-t-on pouvoir raconter à partir de cet échec/cette blessure/ce traumatisme, etc.) De la même manière, souvent quand ils réussissent un test, cela aura un coût, quoi qu'il arrive. Pas toujours facile à supporter.
- Les MJ "gygaxiens" (pas taper, je veux juste parler de ceux qui ne jurent que par "le MJ a toujours raison", "j'interprète les dés comme je veux", etc. A l'ancienne, quoi). L'histoire n'est pas entre les mains du MJ. Ses PNJ fétiches vont crever comme des brêles. Les PJ vont complètement ignorer son super scénar planifié sur douze séances. Et c'est normal, c'est fait pour.
Tout ça n'est pas une fatalité, bien sûr. Ca demandera plus ou moins d'efforts en fonction du type de joueur ou de MJ. Perso ça a été une belle révélation en tout cas (je viens de D&D à la base - d'ailleurs j'en suis toujours).
- MRick
Bonsoir tous le monde
Voici mon humble contribution à la discussion et ceci n'est que mon ressenti.
Me concernant, j'ai eu un dilem. J'aime le thème des jeux PBTA mais pour en avoir essayé plusieurs (Dungeon world, Mask et surtout Monster of the Week et ce, de chaque côté de la table), je n'accroche pas vraiment au système pour 3 raisons très simples.
- Si le jeu nous offre une assez grande libertée d'action, je n'aime pas être bridé par des "questions" spécifique dans des livrets de pj. exemple : dans monster of the week, le move enqueter sur un mystère me bloque car le choix des questions est restraint. je m'exprime peut être mal mais ca s'est vérifié plusieurs fois, on a la sensation d'être coincé :s.
- les résultats "oui mais" répétés donnent parfois des situations super compliqué quand ca s'enchaine sur plusieurs joueurs
-Ne jouant qu'en virtuel, ne pas avoir de scénario "scripté" m'empèche d'utiliser beaucoup d'illustrations etc. c'est pas une super raison mais je la met ici quand meme xD
Bref, tout ca pour dire que j'en suis à envisager une version Chroniques Oubliées pour jouer à du Monster of the Week ;p (si des volontaires veulent m'aider, avec plaisir !)
C'est un peu le cas que j'ai eu, quand je dis que le PJ A peut prendre toute la lumière et reléguer PJ B et PJ C dans l'ombre, c'est précisément parce que PJ B et C sont plutôt des joueurs passifs...
Mais résultat ça fait un truc en plus à gérer pour le MJ, alors qu'avec un jeu à initiative classique, c'est déjà géré.
Je n'ai pas l'habitude de meujeuter comme un MJ Gygaxien, d'ailleurs je n'aime pas sa maxime (les dés sont pour faire du bruit derrière l'écran), moi quand je lance les dés, c'est pour voir où ça va nous mener, il y a forcément une conséquence.
.Manithou
- Si le jeu nous offre une assez grande libertée d'action, je n'aime pas être bridé par des "questions" spécifique dans des livrets de pj. exemple : dans monster of the week, le move enqueter sur un mystère me bloque car le choix des questions est restraint. je m'exprime peut être mal mais ca s'est vérifié plusieurs fois, on a la sensation d'être coincé :s
Dis comme ça, j'ai l'impression que tu passes à côté d'un point. Le fait qu'un joueur ne peut pas déclencher d'action. Il ne peut faire agir son personnage que dans la fiction et c'est uniquement le MJ qui détermine si ça déclenche une action.
Où est la différence? Et bien tu peux très bien mener tes recherches sans que ça ne déclenche d'action et obtenir tes réponses sans avoir à jeter les dés. Les actions d'un jeu pbta sont spécifiques (ou sensé l'être en tout cas) à un type de fiction. Je n'ai pas encore mis le nez dans monster of the week mais j'imagine que les questions de l'action enquêter correspondent à une forme d'enquête récurrente dans ce type de fiction. Auquel cas, l'enjeu et le déclencheur narratif s'activent et donnent lieu à l'action.
C'est également pour cela que jouer dans un univers en reprenant les règles d'un autre pbta, c'est en général très casse gueule si le type de fiction émulé n'est pas très très proche (sinon ça ne marche juste pas).
- kyin
C'est un peu le cas que j'ai eu, quand je dis que le PJ A peut prendre toute la lumière et reléguer PJ B et PJ C dans l'ombre, c'est précisément parce que PJ B et C sont plutôt des joueurs passifs...
Mais résultat ça fait un truc en plus à gérer pour le MJ, alors qu'avec un jeu à initiative classique, c'est déjà géré.
Je n'ai pas l'habitude de meujeuter comme un MJ Gygaxien, d'ailleurs je n'aime pas sa maxime (les dés sont pour faire du bruit derrière l'écran), moi quand je lance les dés, c'est pour voir où ça va nous mener, il y a forcément une conséquence.
MRick
Déjà géré, plus ou moins. Entre un joueur timide et un joueur extravagant, même dans un système à initiative classique où ils ont chacun une action, l'un va "briller" plus que l'autre, ne serait-ce parce que l'un va décrire pendant 2 minutes les détails et que l'autre essayera un truc surement utile mais sans s'imposer. Donc ce n'est pas si géré que ça.
Là effectivement ça demande un peu plus d'effort au MJ, mais il peut braquer les projecteurs et la caméra sur un joueur de ce type et de le pousser à briller. Si ce dernier est en panne d'inspiration, le MJ peut toujours créer une opportunité pour le PJ C avant de laisser le PJ A intervenir (dans le sens où il a probablement déjà capté la lumière avant et qu'il interviendra si on lui en donne l'opportunité)
Cette direction de la caméra est très important pour gérer ce genre de cas un peu compliqué.
Donc en gros : il y a des actions scriptées lorsqu'elle correspondent à l'univers de jeu (voire au type de personnage ?) et en dehors de ces actions spécifiques c'est le MJ qui gère au doigt mouillé ?
- Decarcassor
L'idée c'est que si les personnages ne font pas d'actions correspondants à l'univers du jeu elles ne sont pas vraiment importantes et donc n'ont pas besoin de règles pour êtres résolues, autres que la conversation de base.
Enfin c'est comme ça que je le comprend. J'ai très envie de tester des jeux PbtA, mais je n'ai malheureusement pas encre eu l'occasion de le faire en pratique faute de temps libre.
- kyin
Et du coup c'est le jeu qui décide quelles sont les actions "importantes" et non les joueurs ?
(Note : ce n'est pas une attaque ou un dénigrement du système, j'essaie de comprendre sincèrement pourquoi ça m'est tombé des mains à chaque fois et j'ai l'impression qu'on tient une piste...)
Oui, la decidécise base sur ce qui est canonique pour l'univers dans lequel tu joues : dans le post-apo c'est troquer des bouts de merdouille pour survivre et s'approprier lesdites merdouilles par la force. Dans le cyberpunk, c'est jauger la quantité d'information que lachele Johnson et evaluév la sotsituat pour savoir à quel point on est dedans. Tu peux avoir un perso qui s'infiltre dans du post-apo ou qui gère un magasin dans du cyberpunk, mais comme c'est pas majeur dans le canon, on a pas d'action prévu pour : c'est de la saveur, pas un instant pivot qui va envoyer l'histoire dans une autre direction. C'est assez proche de ce qu'il y a dans le jeu en ube page Fast & Furious : ce qui fait avancer les étapes de l'intrigue, c'est quand on bagarre ou qu'on fait la course, le reste c'est de la saveur, c'est cool, mais il faudra passer par ces deux actions pour avancer : parceque c'est le canon du genre.
A noter que cette jolie théorie est assez bancale dans la plupart des PbtA où on a ajouté un move "fourre-tout" (le fameux Agir Face Au Danger), qui sert à gérer tout ce qui n'est pas prévu par les autres moves, donc tout ce qui n'est pas dans les tropes de l'univers. De plus ces moves, qui ne laissent pas de décision aux joueurs sur un 7-9 sont (je trouve) assez pataud et demande au MJ de retourner dans une posture d'arbitre-directeur d'écriture, semblable à celle qu'il peut avoir dans un DD5 (et dans ce cas là effectivement : pourquoi jouer à un PbtA ?)
(je refais mon message perdu dans les limbes du mis-click)
Les jeux type pbta (ou Fate par exemple) cherchent à émuler un style d'histoires particulier, pour cela ils donnent (quand le jeu est bien fait) un maximum d'outils aux joueurs et au MJ pour générer un récit correspondant aux codes du genre. Tout doit normalement se concentrer sur cet angle, tout ce qui est à côté est "résolu" par le dialogue. Dans un jeu de super-héros cosmiques on ne va pas s'intéresser aux règles de poursuites, non pas qu'il n'y aura pas de poursuites en voitures dans le jeu mais plutôt que ce n'est pas ce qui est important pour l'histoire.
Par exemple dans Night Witches qui vient de sortir en français, tout est donné à la fois pour les missions des aviatrices russes pendant la 2nde guerre ainsi que pour les problématiques qu'elles peuvent rencontrer en tant que femmes dans l'armée russe à cette époque. Mais il n'y aura rien sur les combats de masse.
La question à se poser avant de jouer est de savoir quelle genre d'histoire on veut raconter, et non quel personnage dans quel univers. Les personnages et l'univers viennent "naturellement" une fois le choix du genre effectué.
Le but premier est de faire vivre une histoire aux personnages et non pas de savoir si les personnages ont réussi et donc donner des règles qui générer une histoire (avec les personnages au centre bien sûr).
Donc en gros : il y a des actions scriptées lorsqu'elle correspondent à l'univers de jeu (voire au type de personnage ?) et en dehors de ces actions spécifiques c'est le MJ qui gère au doigt mouillé ?
kyin
C'est un peu plus que du doigt mouillé. Hors de ces actions centrales pour ce type de fiction, le MJ est encouragé à toujours répondre positivement et tout ce qui est décris par les joueurs fait partie de la fiction (et donc place à la fois des limites et des opportunités).
D'un autre côté, dans la pratique, on a souvent des joueurs qui vont essayer de partir en vrille donc tu te retrouves à :
- Soit poser des limites à ces descriptions pour conserver une cohérence d'univers
- Soit confirmer la volonté du groupe dans le contrat social et s'assurer que c'est bien dans ce genre d'histoires qu'il veulent évoluer.
La plus fidèle à l'esprit est la seconde solution, mais pas forcément celle dont j'ai le réflexe. Le truc, c'est que certains joueurs ont appris à jouer "contre" le MJ, ce qui n'est pas le cas ici. Du coup, rappeler le contrat social et demander si cette description semble conforme au groupe en terme d'univers dans lequel ils évoluent et d'histoires qu'ils veulent raconter, ça peut régler ces dérives assez facilement.
Il faut bien que les joueurs prennent conscience qu'ils n'évoluent pas dans l'histoire du MJ. Le MJ n'a pas préparé un scénario qu'il va raconter aux joueurs. Le résultat de l'histoire de la partie est l'oeuvre de tous sans exception. Donc si c'est vraiment ce qu'ils veulent, ok, pourquoi pas. Sinon on rectifie le tir.
A noter que cette jolie théorie est assez bancale dans la plupart des PbtA où on a ajouté un move "fourre-tout" (le fameux Agir Face Au Danger), qui sert à gérer tout ce qui n'est pas prévu par les autres moves, donc tout ce qui n'est pas dans les tropes de l'univers.nerghull G
En effet. Déjà chaque jeu est assez inégal sur son travail pour avoir des principes-objectifs-actions qui correspondent exactement aux éléments centraux de ce type de fiction. (et si c'est pas très bien fait ou mal compris derrière, ça va tomber à plat). Et les actions fourre-tout type défier le danger de Dungeon World, desservent ce système théorique. Pour autant, ça rassure le MJ ludiste classique.